Né Robert Prévost, les racines françaises du pape Léon XIV

Quelle ne fut pas l’heureuse surprise, alors que la fumée blanche venait de s’élever depuis la Chapelle Sixtine dans le ciel de Rome, d’entendre le 8 mai 2025 le cardinal protodiacre français Dominique Mamberti annoncer lors de l’Habemus Papam l’élection du cardinal américain Robert Francis Prévost comme nouveau pape de l’Église catholique. Bien évidemment, me retrouvant alors avec l’honneur de porter le même patronyme que le successeur de Saint Pierre, ce fut, au-delà de l’anecdote, l’occasion de chercher plus en détail des éléments précis sur la généalogie du souverain pontife né en 1955 à Chicago. Et ce voyage dans le temps a été à la fois passionnant et instructif !

Aussi bien du côté de son père que du côté de sa mère, le nouveau pape compte des racines françaises, qui représentent même la grande majorité de ses ancêtres. Sa grand-mère paternelle, Suzanne Louise Marie Fontaine (1894-1979) naît le 2 février 1894 au 54 rue de Paris près de la très belle cathédrale Notre-Dame du Havre en Normandie. Fille de pâtissiers, son père se nomme Ernest Auguste Fontaine (1857-1919) tandis que sa mère se nomme Jeanne Eugénie Prévost (1864-1933). Ses parents se sont mariés à Doudeville en Seine-Maritime le 20 octobre 1886 et sont originaire tous les deux de Normandie (Pays de Caux et Calvados), avec une branche berrichonne pour Jeanne. En mars 1915, alors âgée de 21 ans, Suzanne Fontaine quitte sa famille et la France pour tenter sa chance outre-Atlantique : elle embarque dans le bateau La Touraine à destination de New York. Rappelons qu’à cette époque, Le Havre est une des principales portes d’entrée des États-Unis pour de nombreux migrants européens.

La rue de Paris au Havre vers 1900. Cette rue est une des principales artères du centre-ville de ce grand port normand.

Peu après son arrivée en Amérique, Suzanne tombe éperdument amoureuse d’un Sicilien arrivé aux États-Unis quelques années plus tôt, Salvatore Riggitano (1876-1960), professeur de langues romanes (dont le français) mais déjà marié avec Daisy Hughes. Avec lui, Suzanne a un premier enfant, Jean Prévost (1917-1996), né à Lackawanna près du Lac Érié dans l’État de New York, puis un deuxième enfant, Louis Marius Prévost (1920-1997), né à Chicago le 28 juillet 1920 et père du futur pape. En raison des difficultés évidentes que cette relation amoureuse entre Suzanne et Salvatore posait, notamment pour la femme de Salvatore, les deux enfants se voient attribuer sur décision du couple lui-même un patronyme qui n’est pas celui de leur père ni de leur mère mais celui de la grand-mère maternelle déjà évoquée et restée en France : Jeanne Prévost, la mère de Suzanne. C’est ainsi que le patronyme français Prévost devient celui de cette nouvelle famille américaine. Le français reste d’ailleurs une langue couramment parlée par eux, puisque Jean Prévost devient professeur de français et soutient en 1952 en français sa thèse de doctorat à l’université de Chicago sur le sujet du dandysme en France de 1817 à 1839, tandis que son frère Louis Marius Prévost devient lui aussi professeur de langue puis directeur d’une école secondaire.

La mère du pape, Mildred Agnès Martinez (1911-1990), est elle aussi en grande partie d’origine française et créole, à travers la Louisiane et les Antilles. Une grande partie de ses ancêtres au XIXe siècle sont natifs de la ville de La Nouvelle-Orléans, tandis que d’autres sont nés à Port-au-Prince en Haïti, à Cuba et même pour les générations plus lointaines en Nouvelle-France, reprenant toute l’histoire des territoires français en Amérique. C’est véritablement l’ancienne Louisiane française, devenue en 1803 après le Louisiana Purchase un territoire des États-Unis, qui occupe une très large place dans la famille de la mère du pape. Ainsi, on peut prendre l’exemple de la grand-mère de Mildred Agnès, Eugénie Grambois, née à La Nouvelle-Orléans le 20 décembre 1838 et baptisée le 8 janvier 1840 en la cathédrale Saint-Louis de La Nouvelle-Orléans : son acte de baptême est rédigé en français et cette langue est celle qui est parlée à la maison. Elle épouse le 9 septembre 1864 à La Nouvelle-Orléans Ferdinand David Baquié, né dans cette même ville le 10 octobre 1837, et lui aussi francophone. Leur fille, Louise Baquié épouse le 17 septembre 1887 Joseph Nerval Martinez (1864-1926) et ce couple s’installe ensuite à Chicago où naît leur fille, la mère du pape.

La Nouvelle-Orléans vers 1900 : la cathédrale Saint-Louis où furent baptisés de nombreux ancêtres du pape côté maternel. Devant la cathédrale, le Jackson Square est l’ancienne Place d’Armes des Français.

C’est le 29 janvier 1949 que Mildred Agnès Martinez épouse à Chicago en la cathédrale du Saint-Nom Louis Marius Prévost, avec lequel elle a trois enfants, tous nés à Chicago : Louis Martin Prévost, né en 1951 ; John Joseph Prévost, né en 1953 et Robert Francis Prévost, né en 1955. C’est ce dernier qui devient notre 267e pape le 8 mai 2025. Ordonné prêtre à Rome le 19 juin 1982, il avait été fait cardinal par le pape François le 30 septembre 2023. Lors de son élection au Trône de Pierre lors du conclave des cardinaux de 2025, Robert Prévost décide de prendre le nom de Léon XIV, en référence à Léon XIII, célèbre en particulier pour son encyclique Rerum Novarum de 1891 sur le droit du travail et la doctrine sociale de l’Église.

Souhaitons à ce nouveau pape plein succès dans sa mission apostolique, en espérant qu’il rende prochainement une petite visite au pays d’une grande partie de ses ancêtres de ce côté-ci de l’Atlantique.